Qu’écrit-on sur le peau ? Qu’est-ce qu’on y grave ? L’encrage de la peau est loin d’être nouveau: les 61 motifs retrouvés sur la peau vieille de 5300 ans d’Otzi, l’homme de Glaces et les dessins stylisés encrés sur les momies prédynastiques égyptiennes (dites de Gebelein) prouvent l’exercice d’un langage corporel- dont on ignore encore la fonction – au sein des sociétés sans écriture. Plus qu’une figuration esthétique, dans certaines peuplades, le tatouage ritualise sur la peau une inscription religieuse et/ou sociale forte et ce, au sein d’une collectivité: on pense ainsi au rite initiatique du tatouage samoan en Polynésie, au marquage des Mentawais en Indonésie, aux scarification des guerriers Mursi en Ethiopie, etc. (voir à ce propos, https://www.histoire-du-tatouage.fr).
Marque d’appartenance autrefois dévolue à la pègre ou au monde carcéral, le tatouage se range. Il y a quelques années encore, on se rend dans les shops en signe de rébellion et progressivement au côté transgressif se joint une dimension esthétique. Puis, les « bad boys, bad girls » se rangent, s’embourgeoisent et le tatouage reste. « J’ai eu ma période Grand Bleu » avoue, gêné, le Prince Arnaud, (joué par Lambert Wilson dans Palais Royal), en cachant le dauphin sur son omoplate. Un motif sur une peau âgée devient monnaie courante sinon logique. A cette normalisation, se rajoute un engouement, toute classe sociale confondue, pour le peau encrée. Cette popularité croissante s’explique par diverses raisons: la volonté de se démarquer par un signe ou au contraire d’imiter telle figure ou d’appartenir à un groupe (ou à un couple), de s’éprouver dans un rituel qui passe par la douleur… Intime, extime, désir d’être soi avec le paradoxe que le tatouage, le geste aussi bien que le motif, passe par la marchandisation et est dès lors proposé sinon induit comme objet de consommation avec ses modes et ses tendances et ce, au niveau planétaire. Se réapproprier son corps passe par Instagram.
Maintenant au-delà de son apparente banalisation et désacralisation, dans quel type de démarche (personnelle) s’inscrit le processus de tatouage ? On le perçoit: la multiplication des possibles et l’éclatement des normes favorisent un positionnement individuel dont le tatouage est une des marques. Ainsi, « si la fonction rituelle du tatouage est plus manifeste lorsque sa pratique est soutenue par une collectivité homogène, sa pratique contemporaine, plus individuelle — un peu à l’image générale de l’ensemble des pratiques sociales qui reçoivent de moins en moins l’adhésion unanime des populations dans les sociétés hétérogènes — n’évacue pas pour autant cette fonction qui n’est pas exclusivement tributaire de l’adhésion collective. Les rituels d’aujourd’hui sont fragmentés, comportent plus de création et sont aussi, d’une certaine manière, plus personnels » (Sylvie-Anne Lamer, « Le tatouage, un rituel ancestral devenu sauvage ? »)
« La fluidité du temps amène à vouloir arrêter la mémoire sur son propre corps pour ne rien oublier » David Le Breton
Pour aborder cette question de l’inscription sur la peau d’un espace singulier et de son processus, le choix a été posé de rencontrer les plus « âgés »: pourquoi et comment sautent-ils le pas et maintenant ? quel regard porte-t’il sur leurs marques de jeunesse ? mais aussi quel est le regard des professionnels sur une pratique qui a évolué ? sur leurs jeunes confrères ? sur ce côté mainstream ?
Rencontres
« L’homme a besoin de repère, et le tatouage en est un » Pat – tatoueur tatoué
« Depuis la nuit des temps, on se tatoue. On s’encre, c’est une marque ancestrale qui traduit l’angoisse principale de l’homme: sa propre disparition, et donc, son obsession à laisser des traces… Le tatouage yantra ou sak yant (ndlr: tatouage traditionnel thaïlandais qui inscrit sur la peau des prières) est rituel et symbolique. En tant que tatoueur, j’accompagne ceux qui y viennent dans cette démarche spirituelle où quelque chose de fort nous rassemble. J’ai énormément de respect pour mes clients: ils vont se souvenir de moi toute une vie et je dois prendre en compte cela. J’ai mal au dos, au cou, de l’arthrose, les yeux fatigués, c’est un métier sollicitant même si le matériel actuel, plus léger et ergonomique augmente l’espérance de vie d’un tatoueur…, le jour où j’en aurais marre, j’arrêterais.
La nouvelle vague des tatoueurs, je ne parle pas des « scratcheurs » (ndlr. Ces tatoueurs clandestins ou non et qui travaillent à l’arrache), sont des dessinateurs hors pairs. Il y a des tatouages hallucinants et peut-être que la maîtrise de la technique et celle de l’artiste expliquent l’engouement alors qu’avant c’était marginal. Je trouve cela fantastique de pouvoir porter une pièce d’art sur soi et qu’il n’y ait plus de barrières sociales pour l’arborer.
La peau desquame et il y a ce mystère de cette cellule de peau qui meurt mais qui transmet cependant le pigment à celle qui arrive. Oui, il y a une différence entre tatouer une vieille peau, celle d’un vieux qui n’en a plus rien à foutre, qui a plus derrière lui et une jeune qui a rien et qui a tout devant. A une gamine qui voudrait faire la ceinture abdominale ou le flanc, j’avertis de ce qui l’attend si une grossesse vient déformer le tatouage ou les vergetures s’y mettre. Je préfère tatouer une peau jeune qu’une peau burinée et dure. A un vieux, je ne cache pas qu’un tatouage plus grand vieillira mieux, que l’espérance qualitative sera meilleure. Certains de mes tatouages très détaillés vieillissent mal, la technique du « full black tattoo »avec motifs blancs est une solution. Chaque tatouage a une histoire et correspond à une tranche de vie: à ceux qui veulent faire un recouvrement d’un tatouage autre que fait par un scratcher, ne vaut-il pas mieux s’en rappeler et vivre avec ? «
Compte Instagram: https://www.instagram.com/sak_yant_pat_dewan/?hl=fr
« Ce tatouage, dans la chair de ce qui est cher » (Sabine, tatouée)
J’ai voulu graver dans ma peau un combat que je ne cesserai jamais: celui de la protection animale et plus particulièrement celle du lévrier espagnol (ndlr. le galgo est employé en Espagne comme chien de chasse, et notamment lors de concours de chasse au lièvre… lorsqu’il perd ou ne sert plus à rien, il est cruellement éliminé voire supplicié). La rencontre avec Simone Righi, militant de cette cause, a été déterminante. En 2008, il logeait chez nous, d’autres amis étaient présents. Il a voulu nous offrir à chacun un tatouage qui nous reflétait vraiment. Cela s’est mis naturellement et dans l’instant. Je venais de perdre Clothilde, ma galga, ma diva,… et à main levée, il a dessiné sur mon flanc gauche, son portrait stylisé. C’est un engagement à vie, comme si désormais le galgo coulait dans mes veines.
Le fait qu’il soit caché me reflète, ce tatouage dans la chair de ce qu’il y a de cher. Je suis quelqu’un de l’intérieur.
Je me suis fait tatouer très tard. Je ne courrais pas derrière même si lors de mes cours, puisque j’ai fait l’Académie, j’ai vu le rapport entre le corps, support de l’écriture et l’art. A partir de 40 ans, le corps bascule, s’altère. Je vis la perte de mon beau corps à la Ken. Ce sentiment de perte m’amène au tatouage comme compensation. Mais qu’est-ce que tatouer ? Pour moi, il doit y avoir du sens et du concept. Je commence d’abord, entre mes omoplates par un serpent qui se mord la queue, symbole de la bascule, de l’infini et de la régénération. Ce dessin, que je n’ai pas moi-même dessiné, me met le pied à l’étrier. J’ai alors 40 ans. Mon corps change, le ventre, les hanches… et ces altérations me renvoient à la naissance, à la création, à la féminité. A partir du moment où on voit l’altérité, on pense à la mort. J’ai passé une nuit à observer et à dessiner un crâne. A la fin, il n’en restait plus que l’essence. C’est cette version stylisée que je me suis fait tatouer sur la jambe, cette partie du corps qui me porte.
A cette vanité, et dans ma réflexion sur le féminin, j’y ai rajouté un utérus, l’oeil de la femme et des ailes. Chaque élément est pensé et écrit car je prends beaucoup de notes. Une esthétique apparaît mais par après, ce n’est pas la visée en tant que tel.
J’ai 50 ans. Je perds mes cheveux, il faut que je fasse quelque chose. Je reste cohérent et décide de me faire faire un arbre de vie, quelque chose de spirituel, et d’autant que c’est sur la tête.
Un arbre bien enraciné, travaillé sur le verticalité avec des chakras bien particuliers. Une démarche symbolique, un support de sens pour alléger cette fin à venir. Je n’ai pas peur de la mort, elle viendra mais par n’importe comment et ma façon est d’avoir une intervention sur le comment. Dégradation/action et altération/appropriation. Le tatouage inscrit mon corps et j’ai une plus grande prise sur celui-ci. Le tatouage, c’est aussi un rituel et pour le crâne, j’ai choisi une tatoueuse qui fait du hand poke, mon crâne est entre ses genoux dans un acte intime et le tatouage se fond dans mon corps. Tous mes tatouages sont à l’arrière, je ne les vois pas dans le miroir. Ce n’est pas une question d’ego.
La nuit, dans mes insomnies, je réfléchis, je regarde les motifs qui me plaisent. Il faut qu’ils soient particuliers, rien que pour moi. Tous mes tatouages montrent que je suis totalement différente et pas question de les enlever: à ma mort, on me reconnaîtra grâce à mes tatouages. Chaque tatouage correspond à des moments-clés: celui sur mon avant-bras fait lors d’un voyage au Népal renvoie au nom donné qui m’a été donné par le tatoueur de là-bas: Nuage Bleu, un rappel de la couleur de mes yeux. Il a fallu 7 heures pour graver les fleurs sur mes jambes, des fleurs qui cachent les cicatrices d’un grave accident. Et il y a la lune et ses phases: je ne suis pas bipolaire mais je suis très sensible aux variations de celle-ci.Parfois, les passants montrent de la curiosité… être tatouée, c’est ma liberté.
« Il y a un côté addictif » Roland, tatoué
« Mon 1er tatouage, je l’ai fait à 72 ans. Mes deux fils sont tatoués, je les ai rejoints en Thaïlande et initialement, nous souhaitions faire tous les 3 le même tatouage. Cela ne s’est pas fait mais l’idée m’est restée. Il me fallait un motif fort et c’est à leur retour de Thaïlande que je leur ai dévoilé cette tribu d’ours tatoués à la manière de Richard Orlanski. Le choix n’est évidemment pas anodin: j’ai élevé mes fils quasi seul en tête du troupeau, il y a « papa-maman » (c’est comme cela qu’ils m’appelaient) et les deux petits. La maman ourse, c’est une force tranquille qui peut se déchainer si on touche à l’un de ses oursons. Un de mes fils avait du mal à l’école et je l’avais surpris incidemment à s’intéresser à la théorie fractale. Le motif doit être beau, séduisant mais il doit avoir une signification, me raconter et raconter une histoire. Dans mon cas, c’est être proche et me rapprocher de mes fils. A 72 ans, j’étais le plus vieux tatoué du salon. Je n’ai pas été n’importe où non plus pour faire n’importe quoi: pas question de tout à coup découvrir que les idéogrammes chinois sur votre dos veulent dire « Aiki Noodles ». Les réactions de mon entourage sont parfois primaires: « non, j’aime pas », « on fait pas cela » et je suis le seul de mes amis à être tatoué. Je m’en fous et cela a toujours été comme cela.
Les jeunes me trouvent plutôt « badass ». Peu de temps après, je me suis fait faire mon 2eme tatouage. Je m’étais fait tatouer le prénom de ma copine d’alors. Rupture et me voilà avec son prénom sur le corps. Les jeunes cons font des erreurs de jeunes cons et les vieux cons des erreurs de vieux cons… Je l’ai donc fait recouvrir par un loup. Pas eu le choix que de recourir à un grand tatouage, le loup tribal aurait laissé transparaître les lettres. Un loup qui assume sa solitude mais aussi sa place dans la meute et la fidélité à la louve. L’ours pour sa force tranquille mais sa brutalité si on le cherche. J’ai eu 1000 vies, une enfance et une adolescence pas évidentes, j’ai été barman, mannequin, occupé des postes à responsabilités et j’envisagerai bien une manchette tribale, avec des motifs slaves ou autres. Quand on a un tatouage, qu’on en est content, il y a un côté addictif « et si j’en faisais encore un »?
« Ce tatouage, signe de ma liberté » Corinne, tatouée
J’ai fait graver les initiales de mes 6 enfants passée 50 ans. J’étais toute seule, je savais ce que je voulais. C’est d’ailleurs une de mes filles qui a dessiné mon tatouage. Je suis une maman poule, mes enfants, mes petits-enfants, c’est mon tout. Mon entourage a très bien réagi: « Mamy Coco, c’est chouette »
D’accord, avant être tatoué vous catégorisait: il y avait les loubards, les routards, …. Après 3 mariages où je me suis sentie coincée, être seule a été ma libération et ce tatouage est le signe de ma liberté.
« A l’époque, c’était bien rock and roll » Jean-Michel, tatoueur tatoué
« Avec Instagram, on dénie ce qui vieillit pour l’instant, le beau en apparence »
30 ans de métier et je suis cash. Je n’ai plus besoin de plaire à X, Y, Z, cela ne m’intéresse pas et je n’en ai pas besoin. J’ai été tatoué en 1986, puis en 1993, c’est moi qui suis devenu tatoueur. A l’époque, c’était bien rock and roll et je ne retrouve plus l’ambiance du début comme je ne m’y retrouve plus. Il y avait cette solidarité et ce code de la rue, avec ses bons et mauvais côtés et puis, c’était plus drôle. Quelqu’un qui franchissait la porte avait déjà cette envie d’entrer dans cette antre de voyou. Je me souviens d’un Nouvel An où tous les tatoueurs de Bruxelles tenaient dans un seul appart. Maintenant, ils sont pleins et se battent comme des chiens.
Quand tu vois un mec de 50 piges, cool, qui a bossé 1/2 heures et s’est fait des couilles en or, tu te dis: ça, c’est un métier sympa! La démocratisation, cela a ses limites. C’est clair qu’il y a actuellement, il y a des tatoueurs qui sont des artistes avec un gros niveau. Sauf qu’ils ignorent comment la peau va vieillir, comment le corps va considérer cet corps étranger qu’est l’encre… Rien ne compte que leur égo d’artiste et ce qu’ils vont poster sur Instagram. Et le respect du client dans tout ça ? Les machines sont plus légères, disponibles en quelques clics, tout cela rend le tatouage plus facile, plus attrayant. Perso, pour acheter ma 1ère machine à Londres, c’est mon mentor qui m’a accompagné et recommandé. Puis, il y a ceux qui sont de super graphistes… sur papier, quand ils passent sur la peau, c’est une catastrophe.
Un tatouage réussi, vieillit comme un blouson de cuir… Je pense à ce vieux soldat, rencontré à NY et qui s’était fait tatouer après Pearl Harbor, son tatouage avait vieilli et c’était beau. Ainsi, c’est un choix que je pose, un choix que je revendique comme éthique. Par respect pour mes clients, je choisis une ligne graphique qui reste, le machin que je leur tatoue tiendra la route. La scène ne suit pas cette exigence et les jeunes tatoueurs n’ont souvent pas été dans ce long apprentissage, difficile car peu rémunérateur. C’est une génération qui veut aller plus loin, plus vite, casser les codes graphiques mais sans les codes éthiques. Et il y a aussi tout ce côté pognon. Alors, artistiquement, c’est intéressant, mais dans 10 ans ?
Je n’ai pas de démarche particulière et je n’ai pas spécialement envie d’écouter celui que je tatoue. Je laisse cela aux curés. Au début, oui, on écoute pour plaire, pour se faire une clientèle. Puis finalement, cela ne correspond pas à ma nature, cette sorte de prostitution. C’est même un putain de mensonge et ça me rend agressif. Raconter des couilles en mentant, très peu pour moi. Si je dois raconter des mensonges pour plaire à des gens que je n’aime pas, à la fin de la journée, je vais picoler ou que sais-je pour évacuer cela. Je réfléchis plus trop quand je tatoue un dragon: je connais la recette. Ce n’est plus la même passion qu’avant… le côté « rock and roll » s’use. A la limite, j’arrêterais quand je m’amuserais encore pour ne pas haïr un métier que j’ai aimé pendant 30 ans et puis, je me consacrerais à la pêche à la ligne, à la culture des tomates ou que sais-je…
Jean-Michel est l’auteur de « Mémoires d’un tatoueur » aux Editions La Boîte de Pandore en 2015.
« Le monde contemporain témoigne du déracinement des anciennes matrices de sens. Fin des grands récits (marxisme, socialisme, etc.), éparpillement des références de la vie quotidienne, fragmentation des valeurs. Dans ce contexte de désorientation l’individu trace lui-même ses limites pour le meilleur ou pour le pire, il érige de manière mouvante et délibérée ses propres frontières d’identité, la trame de sens qui oriente son chemin et lui permet de se reconnaître comme sujet. Certes, la souveraineté personnelle est limitée, bornée par les pesanteurs sociologiques, l’ambiance du temps, la condition sociale et culturelle, l’histoire propre, mais l’individu a l’impression, lui, de décider de sa condition.Nous ne sommes plus des héritiers. Les ruptures sociales, générationnelles ou culturelles rendent le monde plus confus, plus incertain. Chaque acteur est aujourd’hui amené à une production de sa propre identité à travers un bricolage dont la mondialisation culturelle, c’est-à-dire la transformation en signes, en esthétique, de la culture des autres, multiplie les matériaux possibles. » LE BRETON David, « Signes d’identité : tatouages, piercings, etc. », Journal français de psychiatrie, 2006/1 (no 24), p. 17-19. DOI : 10.3917/jfp.024.19. URL : https://www.cairn.info/revue-journal-francais-de-psychiatrie-2006-1-page-17.htm
Le regard d’Entouane, jeune tatoueur: Il y a tous ces accidents que la vie nous impose, cette part de vie que l’on ne choisit pas, qui s’impose sur la peau (le cicatrices, impétigo, une ablation, …). Se tatouer, c’est choisir ce qui se passe sur le corps, choisir le regards qui y est porté et reprendre possession de son corps. Donc, il y a vraiment une démarche volontariste. Pour les personnes plus âgées, le milieu des tatouages reste encore quelque chose de connoté et il y a du courage à aller au-delà. Une peau plus vieille est parfois plus fine, moins élastique et il faut en tenir compte.
Un tatouage est quelque chose qui se fait à deux. Beaucoup sont dans une vraie démarche personnelle et mon rôle est de sublimer leurs idées mais aussi de les conforter dans leur propre choix. Pour certains, homme ou femme, c’est une manière de s’affranchir du lien d’avec le conjoint, dans une démarche libre par rapport à la relation de couple: ton tatouage, tu l’auras toute ta vie, ton conjoint ne sera pas là toute ta vie. Je me souviens d’un jeune qui trouvait qu’un bras tatoué pour sa copine faisait vulgaire, je l’ai interpellé: « C’est ton regard sur les tatouages de femmes, c’est ta manière de voir les choses. En fait, t’es vieux dans ta tête ». Ou encore, cet homme d’une soixantaine d’années qui, à la mort de sa compagne, a osé franchir la porte….
Finalement, n’est-ce pas assumer complètement son choix et s’en donner les moyens. Se sentir, par exemple femme, et être plus que la matrice de ses enfants, … C’est tout un travail sur l’apparence et ce qui la dépasse, sur le symbolique et sur l’esthétisme quand il prend le relais.
Publication dans Axelle janvier 2023