Visages & Traces

Coralie Vankerkhoven – Photographe

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(Silences) (in progress)

Notre langue manque de mots pour exprimer cette insulte : la démolition d’un homme      

Primo Levi – « Si c’est un homme » 

Comment fait-on quand « ce qui n’aurait pas du arriver » a tout ravagé ? Quand on a réchappé à une entreprise dont le but était d’exterminer le nom même de l’autre, cette altérité que l’on est ?

Quand l’on aborde la question de la destruction des Juifs d’Europe, toute énonciation porte en soi le germe du soupçon. Non pas tant sur les faits dont l’exactitude historique n’est même pas à démontrer que sur la façon de la penser et de la limiter que ce soit par les mots ou par l’image. Paradoxe de parler d’un événement que rien ne parvient vraiment ni à donner ni à présenter dans sa globalité. Paradoxe d’ »Auschwitz érigé au concept de mal absolu » (AnnetteWieviorka), extériorité radicale et qui ne souffre aucune comparaison. « Pourtant, rien de ce qui est inimaginable n’interdit d’imaginer, et que tout ce qui se voit, s’entend, se lit ne peut manquer de nous habiter et d’organiser un «être-là» que le savoir ne peut nier, dans la mesure où ce savoir pressent que l’irrationnel et le hors-lieu, hors-champ sont aussi de son domaine » (Arlette Farge à propos d’Images malgré tout de Georges-Didi Huberman). 

Dans la continuité d’un travail entamé depuis des années, après quelques tâtonnements, j’ai voulu aller à la recontre de ceux qui ont eu leur enfance marquée par l’existence de ce hors-lieu. Avec la mesure du temps nécessaire, le « plus jamais cela » n’a pas empêché qu’à la fin du XXème siècle, un autre génocide s’accomplisse sous les yeux fermés de l’Occident. J’ai voulu alors faire dialoguer ceux d’il y a 50 ans avec les Tutsis : dialoguer et certainement pas mettre en concurrence victimaire. 

Bien sûr, des travaux remarquables ont déjà été faits comme, il y a 25 ans, la très belle galerie de portraits et témoignages des rescapés des camps de concentration et d’extermination par André Goldberg et par Dominique Rozenberg mais aussi d »autres plus contemporains comme les portraits de Raphael Levy et le projet 2251 et celui de Rudy Waks. Et Alexis Cordesse qui explore les territoires de l’aveu et des paysages rwandais.

Toujours en work in progress, (Silences) n’est pas un recueil de récits chonologiques :  cette tâche sensible et scientifique, elle revient à l’historien qui va insérer les orphelins dans une trame historique qui les fasse exister.  Le projet toutefois ne peut pas faire l’impasse sur le contexte historique aussi bien pour les événements de 1945 que de1994, fruits d’un long processus qui n’a fini de se faire. L’histoire se tâte et quand elle est portée par les mots des hommes – vainqueurs, vaincus – elle est faite aussi de risques qu’il faut mesurer au moins pour respect de ceux qui ne peuvent plus l’écrire. Ainsi, le souvenir du génocide des Tutsis au Rwanda est faite d’une mémoire encore immédiate et de confusions autour d’images médiatiques, d’informations contradictoires ou d’enjeux politiques et de la certitude que le génocide rwandais est un des paradigmes de la cruauté par son caractère de proximité. 

Vous-même, vous ne savez pas à qui vous parlez

La non-appartenance, la position d’extranéité par rapport à la communauté juive mais aussi rwandaise est autant une chance qu’un frein, et le seuil passé, je reçois un accueil chaleureux et généreux Avec le recul, c’est ce joint entre enfance, irruption du réel, mémoire et innommable qui est ma ligne directrice. Ce qui reste de l’enfance.

« Parler, n’est-ce pas reconvoquer la douleur ? »

Les récits, les témoignages que vous allez lire furent sollicités et non spontanés. Il a fallu du temps, certain, pour que les contacts se nouent, que les rencontres se fassent, se concrétisent notamment grâce à l’aide de l’asbl « L’enfant caché » et de la représentante de Yad Vashem à Bruxelles. Il est étrange, voire intimidant, de rencontrer des survivants ou leurs descendants directs. Comme dit l’une d’elle : « la Shoah est un facteur de rassemblement  et vous mettez des Juifs ensemble, immanquablement, au détour de la conversation, on va en parler et puis évoquer autre chose » et de me conter des anecdotes d’une humour féroce.  D’une part, c’est l’identité nourrie à la fois par la mémoire individuelle et par les mobilisations mémorielles collectives qui est en questionnement et d’autre part, tout ce qui se transmet… car « Qui m’aurait appris à cuisiner moi qui n’ai pas eu de mère ? J’invente, j’essaye en testant des recettes… ».

Au sein de la rencontre, deux temps se distinguent même si aucune directive ou question inductive ne sont posées : en tout premier lieu, ce sont les souvenirs qui s’égrènent, remontant chronologiquement, évoquant – souvent de manière détachée, froide, automatique, …- les circonstances de la cache, la vie après la guerre. Une question était posée parfois pour repréciser certains événements. Et puis, petit à petit, quelque chose se détache, se pose, le regard rentre en soi-même, les mots se font plus choisis ou parfois plus incertains. Et c’est là que vient parfois ce qui borde le silence. Je prends note, je retranscris mot à mot la conversation, fais répéter, cerner au plus près quand les mots peinent et se frayent. Lors de la retranscription, parfois je réordonne le fil des pensées mais le texte est, à chaque fois lu et relu ensemble. Ma seule demande est que les corrections éventuelles portent sur des points factuels et que l’émotion première soit préservée…

Pour les rescapés tutsis – où le travail est toujours en cours -, l’ordre est inversé : c’est l’impossibilité de qualifier qui est mis en avant. Ce n’est pas l’horrreur qui est convoquée mais l’impuissance à nommer. 

Le travail est complexe sinon extrêmement sensible pour différentes raisons: tout d’abord, la contemporanéité de faits induit que le processus d’historisation est en cours, à l’instar d’une mémoire qui se cherche ou qui … s’occulte. Ensuite, à qui donner la parole ? qui a le droit de parler voire qui accepte de parler ? car les enjeux politiques sont, même ici, en Belgique, de taille et non sans conséquences à de nombreux niveaux – y compris financières et institutionnelles -.

Plus que jamais, on mesure le poids de mots et les effets induits que certaines subtilités linguistiques introduisent en terme de reconnaissance des faits ou de minimisation de ceux-ci; des minimisations que le discours politique actuel ne peut cautionner, fût-ce en mémoire des victimes. Face à celles-ci, mon regard et mon écoute sont là pour accompagner ceux qui les disent, tout en relevant cependant, leurs propres contradictions face à l’exactitude des faits historiques. Lanzmann, dans Shoah et dans Le dernier des injustes donnait la parole aux bourreaux et il était impressionnant de voir comment la (dé)négation s’obstinait en tant que légitimation d’une entreprise proprement inhumaine: c’est dans cette optique que les témoignages de Pierre et de Joseph doivent se lire, non en tant que « vérité » mais en terme de « varité », vérité foncièrement menteuse, pauvrement humaine... mais qui s’écrase devant l’ampleur des faits.

Pouvez-vous me regarder, s’il vous plaît ? 

Pour accéder aux différents témoignages et portrait de Judith, Ida, Pierre, Benjamin, …, il suffit de cliquer sur une des 11 images ci-dessous

La séance est à la fois grave et intime, chacun a la prescience de la souffrance que les mots peuvent raviver, les phrases se déroulent et parfois, les larmes. La photo n’est pas essentielle en soi mais elle n’est pas anodine. Contrairement à d’autres sujets en mode photoreportage, le choix est posé d’un témoignage frontal : la personne sait que la photo va accompagner ce qui a été dit et qu’il ne s’agit pas de jouer avec son image. Le moment est grave même si un sourire s’esquisse, peut-être plus par automatisme que par conviction. 

Le regard, c’est à la fois se qui se donne et se dérobe. Tout ne se dit pas par les yeux et quelque chose se trahit pourtant. Lorsque je leur envoie leur image, certains sont satisfaits de se voir, d’autres se découvrent et la révélation peut être violente et déconcertante. Parfois d’ailleurs, des choses inédites, jusque là tues, se disent et le repos est souvent nécessaire par la suite.

Dans le cas des Tutsis, parler peut mettre en danger réellement, dire n’est pas sans effets politiques et à ce niveau de discours, les mots ne pourront se véhiculer et se diffuser que si le témoin sera sans visage et sans nom qui puisse l’identifier nommément… comme victime ou objet d’une vindicte à venir. 

Par essence, l’image sera toujours incomplète et derrière le portrait fugage du témoin comme trace se cache le silence d’une lettre élidée comme dansLa disparition de Georges Perec. 

Etre à la hauteur de ce qui se dit

La rencontre nous éveille-t-elle d’un long songe ? Dans un temps parallèle, en résonance avec ce qui s’est confié, comment en faire écho dans sa propre mémoire ? Porte ouverte à une seconde étape dans ce travail de très longue haleine où l’on tâte, esquisse, enlève, tâtonne,…

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